Lorsqu’on évoque les violences conjugales, on pense d’abord aux violences physiques ou psychologiques. Pourtant, une autre forme, souvent invisible, joue un rôle central dans l’emprise et l’isolement de nombreuses victimes : la violence économique. Insidieuse et difficile à identifier, elle prive la victime de son autonomie et l’empêche, parfois pendant des années, de quitter la relation violente.

Qu’est-ce que la violence économique ?

La violence économique désigne l’ensemble des comportements visant à contrôler, limiter ou empêcher l’accès de la victime aux ressources économiques, qu’elles soient financières, matérielles ou liées à l’emploi. Elle peut être exercée dans le couple mais aussi dans d’autres contextes familiaux ou professionnels.

Son objectif est clair : priver la victime de son autonomie et la maintenir dans une situation de dépendance. Sans ressources, sans possibilité de gérer son argent ou de subvenir seule à ses besoins, la victime devient prisonnière, parfois sans même en avoir conscience.

Manifestations concrètes de la violence économique

La violence économique prend des formes très diverses et peut s’installer progressivement, ce qui la rend d’autant plus difficile à repérer. En voici quelques exemples fréquents :

1. Contrôle des ressources

• Priver la victime d’un accès libre aux comptes bancaires.
• Obliger la victime à rendre des comptes détaillés sur toutes ses dépenses.
• Confisquer ou surveiller sa carte bancaire.
• Exiger l’accès à ses codes confidentiels.

2. Interdiction ou limitation du travail

• Interdire à la victime de travailler ou de chercher un emploi.
• L’obliger à réduire son temps de travail.
• L’empêcher de s’épanouir professionnellement ou de suivre une formation.

3. Endettement forcé

• Contracter des dettes au nom de la victime sans son accord.
• L’obliger à signer des documents financiers qu’elle ne comprend pas ou n’approuve pas.
• Utiliser le nom ou les documents de la victime pour des emprunts frauduleux.

4. Privation matérielle

• Refuser de subvenir aux besoins du foyer ou des enfants.
• Limiter volontairement l’argent disponible pour les besoins essentiels (alimentation, vêtements, soins).
• Imposer des conditions de vie précaires malgré des ressources suffisantes.

5. Vol et détournement

• S’approprier les biens personnels ou l’héritage de la victime.
• Vider les comptes communs sans l’accord de la victime.

Pourquoi est-ce si destructeur ?

La violence économique est une violence d’emprise. Elle ne se limite pas à un problème d’argent, mais s’inscrit dans une stratégie de contrôle global de la victime. Privée de moyens financiers, la victime ne peut souvent pas envisager de partir, de se loger seule, de nourrir ses enfants ou de retrouver une stabilité.

Cette violence s’accompagne fréquemment d’autres formes de violences : psychologiques, verbales, physiques ou sexuelles. En ce sens, la violence économique est souvent l’un des piliers du système d’emprise.

Les conséquences sur la victime

Les effets de cette violence sont profonds :

• Isolement social et professionnel.
• Appauvrissement.
• Baisse de l’estime de soi.
• Sentiment d’impuissance.
• Dépendance à la personne violente.
• Difficulté à reconstruire sa vie même après la séparation.

De nombreuses victimes racontent qu’elles sont restées dans la relation uniquement parce qu’elles n’avaient “nulle part où aller” ou “pas d’argent” pour vivre.

Pourquoi parle-t-on peu de cette violence ?

La violence économique est encore peu connue et rarement prise en compte par l’entourage ou même par certains professionnels. Sa discrétion, son caractère souvent “banalisé” dans certaines représentations du couple (“il gère l’argent, c’est normal”) participent à son invisibilisation.

En outre, la justice et les services sociaux sont parfois démunis face à cette forme de violence, faute de preuves matérielles ou par méconnaissance du sujet.

Comment en sortir ?

La première étape est de nommer la violence. Reconnaître qu’on est victime d’une violence économique est essentiel pour briser l’isolement. Ensuite, il est crucial de :

• Se faire accompagner par des professionnel·les spécialisés (associations, juristes, travailleur·ses sociaux, etc.).
• Reprendre, si possible, le contrôle de ses finances personnelles.
• Se renseigner sur ses droits (pensions, aides sociales, droit du travail, etc.).
• Envisager des solutions concrètes de sortie (hébergement, accompagnement juridique, soutien psychologique).

De plus en plus de dispositifs d’aide aux victimes intègrent aujourd’hui la dimension économique dans leur accompagnement, conscients qu’elle est un facteur majeur de maintien dans l’emprise.

En résumé

La violence économique est une violence réelle, grave, et destructrice, qui mérite d’être mieux connue et reconnue. Elle enferme, isole et rend dépendante. Sortir de cette violence est possible, mais demande souvent un accompagnement spécifique et adapté. En parler, c’est déjà commencer à s’en libérer.