Dans le cadre du couple, cette violence méconnue ne vient pas d’un agent de l’État ou d’un organisme public, mais du partenaire lui-même, qui utilise les mécanismes administratifs pour contrôler, affaiblir ou piéger l’autre. C’est une stratégie de domination, souvent invisible, qui s’inscrit dans une logique plus large d’emprise.

Qu’est-ce que la violence administrative dans le couple ?
La violence administrative dans le couple consiste à manipuler ou bloquer les démarches administratives de l’autre pour l’empêcher d’accéder à ses droits ou pour la (ou le) maintenir dans une dépendance. Elle peut prendre plusieurs formes :
- Confiscation ou rétention de papiers : carte d’identité, passeport, livret de famille, carte vitale, documents bancaires ou administratifs.
- Monopole sur les démarches : le conjoint se charge “officiellement” de tout, mais en réalité empêche l’autre de comprendre ou de suivre les procédures.
- Falsification ou manipulation de documents : fausses déclarations, changement d’adresse à l’insu du partenaire, refus de transmettre des documents nécessaires.
- Blocage ou contrôle des comptes administratifs : impôts, CAF, sécurité sociale, compte Ameli, Pôle emploi, etc.
- Non-déclaration d’une séparation ou d’une situation réelle pour priver l’autre de droits ou pour bénéficier indûment d’aides.
- Menaces liées à la régularité administrative : dans les couples mixtes, cela peut aller jusqu’à la menace de dénonciation ou de retrait du soutien au titre de séjour.
À qui s’adresse cette violence ?

Ce type de violence touche principalement les femmes, notamment celles :
- en situation de dépendance économique,
- ayant un statut administratif précaire (étrangères, en demande de titre de séjour),
- peu à l’aise avec la langue ou le numérique,
- en situation de handicap ou de fragilité psychologique.
Mais toute personne confrontée à un partenaire manipulateur ou violent peut y être exposée.
Des conséquences graves et durables

La violence administrative a des effets très concrets :
- Perte d’accès aux droits sociaux (RSA, APL, prestations familiales, droit au travail…),
- Impossibilité de se soigner, de se loger, de subvenir à ses besoins ou à ceux des enfants,
- Dépendance accrue au conjoint, parfois même après la séparation,
- Retard dans les démarches de séparation ou de mise en sécurité,
- Vulnérabilité face aux institutions, car la victime peut apparaître “désorganisée”, “non réactive”, voire “frauduleuse”, alors qu’elle est entravée.
Une violence difficile à prouver
Comme beaucoup de violences psychologiques ou économiques, la violence administrative est difficile à faire reconnaître :
- Parce qu’elle se déroule dans les coulisses du couple, à l’abri des regards,
- Parce qu’elle est souvent normalisée (“c’est lui qui s’occupe des papiers”),
- Parce qu’elle laisse peu de traces visibles, mais cause des dégâts profonds.
Comment y faire face ?

Briser l’isolement est une première étape cruciale. Voici quelques pistes pour sortir de cette forme d’emprise :
- Faire un point sur ses droits avec une assistante sociale ou une association spécialisée (notamment celles accompagnant les victimes de violences conjugales),
- Changer ses identifiants administratifs et récupérer le contrôle de ses comptes (CAF, impôts, sécurité sociale, etc.),
- Faire une demande de duplicata ou de remplacement des documents retenus (carte vitale, carte d’identité, etc.),
- Contacter un avocat ou un juriste en cas de fraude ou de blocage délibéré,
- Conserver des preuves : captures d’écran, mails, témoignages, pour appuyer une démarche judiciaire si nécessaire.
Conclusion : nommer pour se libérer
La violence administrative dans le couple est un outil de domination, un moyen de priver l’autre de liberté, d’autonomie et de dignité. La nommer, c’est lui enlever son masque. C’est aussi permettre aux victimes de se reconnaître, de comprendre ce qu’elles vivent, et de chercher de l’aide.
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