
Des mythes tenaces qui brouillent la réalité
Autour des violences conjugales, il existe encore beaucoup de fausses croyances, de phrases toutes faites ou d’idées simplificatrices qui minimisent les faits, culpabilisent les victimes ou dédouanent les agresseurs.
Ces idées reçues, souvent bien ancrées dans la société, nuisent gravement à la reconnaissance des violences, et empêchent parfois les victimes elles-mêmes de mettre des mots sur ce qu’elles vivent.
1. “Elle aurait dû partir plus tôt”
Cette phrase suppose que partir est facile. Or, quitter un partenaire violent est l’un des moments les plus dangereux pour une victime. Cela demande souvent des mois (parfois des années) de préparation, de prise de conscience, de ressources émotionnelles et matérielles.
La vraie question n’est pas “pourquoi elle est restée ?”, mais “qu’est-ce qui l’a empêchée de partir ?”
2. “Ce n’est pas de la violence, c’est juste un couple qui se dispute”
Une dispute est un désaccord entre deux personnes qui ont le même pouvoir de parole. Dans une relation violente, il y a un rapport de domination. L’un écrase, l’autre se tait. L’un impose, l’autre subit. Ce n’est pas un conflit, c’est une emprise.
3. “S’il ne la frappe pas, ça va”
La violence ne se résume pas aux coups. Les violences psychologiques, économiques, sexuelles ou numériques détruisent tout autant. Elles sont souvent plus difficiles à prouver, mais elles laissent des traces durables : perte d’estime de soi, isolement, troubles anxieux, dissociation…
4. “Elle exagère, il n’a pas l’air violent”
Beaucoup d’agresseurs sont charismatiques, sociables, parfois même admirés. Ils savent se contrôler en public, puis se montrer cruels à huis clos. Ce contraste fait partie de leur stratégie. Ce n’est pas à “l’air qu’il a” qu’on mesure la dangerosité, mais aux actes répétés dans l’intimité.
5. “Elle aussi, elle l’a provoqué”
Personne ne provoque un coup, une insulte, une humiliation. La responsabilité d’une violence repose toujours sur l’auteur. Ce mythe du “elle l’a cherché” renforce la culture du viol, de l’impunité, du silence.
6. “Elle veut se venger, c’est pour ça qu’elle parle maintenant”
Les femmes qui dénoncent des violences le font souvent après un long silence, parce qu’elles se sentent enfin en sécurité, ou parce qu’elles veulent protéger d’autres victimes. Ce n’est ni de la vengeance ni de la manipulation : c’est un acte de courage.
7. “Il n’était pas comme ça avant”
L’emprise se construit progressivement. Au début, l’agresseur peut se montrer charmant, protecteur, attentionné. Puis, peu à peu, il isole, contrôle, déstabilise. Ce mécanisme est typique des violences conjugales. Ce n’est pas un changement : c’est un masque qui tombe.
8. “Ce n’est pas si grave, il n’a fait que l’insulter”
Les mots peuvent tuer à petit feu. Une victime rabaissée tous les jours finit par croire qu’elle ne vaut rien. La violence verbale détruit l’identité, l’estime de soi, la volonté de vivre. Ce n’est jamais “rien”.
Pourquoi ces croyances sont dangereuses
Parce qu’elles :
- Renforcent la culpabilité des victimes ;
- Retardent la prise de conscience ;
- Encouragent le silence ;
- Donnent une légitimité aux agresseurs ;
- Invisibilisent certaines formes de violence.
Ces fausses croyances sont parfois répétées même par des proches, des professionnel·les, des institutions, sans mauvaise intention. Mais elles causent de vrais dégâts.
Ce qu’on peut faire, à notre échelle
- Déconstruire ces mythes autour de nous ;
- Écouter sans juger quand une femme parle de ce qu’elle a vécu ;
- Répéter que la violence n’est jamais justifiable ;
- Soutenir les paroles courageuses, sans chercher à relativiser.
Conclusion : croire les victimes, c’est déjà agir
Changer le regard collectif sur les violences conjugales, c’est commencer par remettre en question nos réflexes, nos phrases automatiques, nos clichés. Chaque mot compte. Chaque regard bienveillant peut faire la différence.
Et chaque femme qui lit cet article doit savoir : tu n’as pas tort, tu n’exagères pas, tu n’es pas responsable. Ce que tu vis compte.
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