Sur le chemin long et souvent douloureux de la reconstruction après des violences conjugales, certaines paroles blessent plus que d’autres. Et lorsqu’elles viennent de professionnels censés aider — médecins, psychologues, assistants sociaux — le choc peut être brutal. Ces mots maladroits, parfois minimisants, parfois culpabilisants, peuvent freiner la libération d’une parole déjà difficile à poser. Pourtant, il est possible d’apprendre à s’en protéger.

Quand les mots blessent plus qu’ils ne soignent
Entendre un thérapeute dire « Vous êtes sûre que c’était vraiment de la violence ? », ou un gendarme lâcher « Il avait peut-être juste besoin de se calmer… », peut faire l’effet d’un coup de massue. Ces remarques, qui peuvent paraître anodines pour celui qui les prononce, ont un impact considérable sur une victime en plein parcours de réparation. Le doute, déjà semé par l’agresseur, est ravivé. La confiance, fragile, s’effondre.
Ces réactions ne sont pas rares : selon un rapport de la Fédération Nationale Solidarité Femmes (FNSF), de nombreuses femmes signalent une absence d’écoute ou de reconnaissance dans les premiers contacts avec des professionnels non formés à la spécificité des violences conjugales.
Ce que ces paroles disent sur le système — pas sur vous
Il est essentiel de comprendre que ces maladresses ne sont pas le reflet de votre légitimité à parler, ni de la gravité de ce que vous avez vécu. Elles révèlent surtout les lacunes de formation de certains intervenants. En France, la formation initiale sur les violences conjugales reste trop souvent optionnelle dans de nombreux cursus médicaux ou paramédicaux. Le Haut Conseil à l’Égalité (HCE) alertait déjà en 2020 sur le manque de sensibilisation des professionnels de santé, soulignant que “les stéréotypes genrés et la méconnaissance des mécanismes d’emprise sont encore très répandus.”
Comment se protéger émotionnellement ?
Voici quelques pistes concrètes pour ne pas laisser ces paroles altérer votre cheminement :
• Créer une barrière mentale : lorsqu’un mot heurte, imaginez-le glisser sur une surface protectrice. Il ne s’imprime pas en vous.
• Prendre du recul intérieur : souvenez-vous que ce que vous vivez est réel, même si l’autre ne le comprend pas. Répétez-vous intérieurement : « Ce qu’il dit ne m’appartient pas. »
• Préparer des réponses fermes mais douces : par exemple :
« Je préférerais qu’on ne minimise pas ce que j’ai vécu. »
« J’ai besoin d’être écoutée, pas d’être jugée. »
• Écrire ce que vous auriez voulu dire : c’est une technique thérapeutique puissante. Cela permet d’exprimer ce qui n’a pas pu sortir dans l’instant, et de reprendre du pouvoir.
Trouver les bons alliés
Ne vous découragez pas si vous tombez sur un professionnel mal formé. Vous avez le droit de changer, d’aller vers des personnes sensibilisées à ces violences. Voici quelques repères :
• Un bon professionnel écoute sans interrompre, ne pose pas de questions intrusives, valide vos ressentis sans les relativiser.
• Vous pouvez chercher des accompagnants via :
• FNSF (3919) : pour être orientée vers des structures formées.
• AVFT ou En Avant Toute(s) : qui travaillent spécifiquement avec les victimes de violences.
• Des collectifs comme Nounaa ou des groupes de parole.
Conclusion : vous avez le droit d’être entendue avec respect
Votre parole a de la valeur. Ce n’est pas parce qu’un professionnel ne sait pas l’accueillir qu’elle est moins vraie. Le manque de formation des autres ne doit jamais vous faire douter de votre propre réalité.
Vous avez le droit de poser vos limites, de refuser certaines interactions, et de choisir des interlocuteurs qui vous élèvent. Votre force réside aussi dans cette capacité à protéger votre espace intérieur.
Liens des sources citées
1. Fédération Nationale Solidarité Femmes (FNSF) – 3919 :
https://www.federation-solidarite-femmes.org
2. Haut Conseil à l’Égalité (HCE) – Rapport sur la formation des professionnels de santé (2020) :
3. Association européenne contre les Violences faites aux Femmes au Travail (AVFT) :
4. En Avant Toute(s) – accompagnement en ligne des jeunes femmes et personnes LGBT+ victimes de violences :
5. Rompre l’emprise – média des étudiants.e.s de l’ESJ Lille qui traite de l’emprise des violences sexistes et sexuelles.
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