Lorsqu’une femme trouve le courage de parler, de fuir, de porter plainte, on pourrait croire que le pire est derrière elle. Pourtant, bien souvent, le chemin vers la sécurité reste semé d’embûches. Les dispositifs d’aide, bien qu’indispensables, peinent parfois à offrir une protection suffisante. C’est une réalité douloureuse : même avec un suivi, une ordonnance de protection ou un accompagnement social, de nombreuses femmes continuent à vivre dans la peur.

Une protection institutionnelle encore trop fragile

En théorie, la loi protège. En pratique, cette protection est trop souvent conditionnée, limitée dans le temps, ou difficile à faire appliquer. Les délais d’intervention, le manque de moyens, la méconnaissance des mécanismes de l’emprise par certains professionnels, ou encore le non-respect des décisions judiciaires par les agresseurs, laissent trop de femmes livrées à elles-mêmes. Combien de femmes ont été tuées alors qu’elles étaient déjà suivies, qu’elles avaient porté plainte, qu’elles avaient alerté ? Trop.

Dans ce contexte, espérer que “la justice fasse son travail” ne suffit plus. C’est une attente nécessaire, mais insuffisante. Il devient urgent de compléter cette attente par un apprentissage actif : celui de la protection de soi.

Apprendre à se défendre : ce n’est pas de la méfiance, c’est de la survie

Savoir repérer les signes d’un comportement dangereux, poser ses limites clairement, faire confiance à son intuition, se préparer à réagir face au danger : tout cela peut s’apprendre. Et cela ne signifie en rien que la femme est responsable de sa sécurité seule. Cela signifie qu’elle se dote d’outils pour reprendre du pouvoir sur sa vie, dans un monde qui ne lui garantit pas toujours la protection qu’elle mérite.

Cela peut passer par des choses très concrètes :

  • Connaître les lieux où demander de l’aide en urgence.
  • Avoir un plan de fuite ou de mise à l’abri.
  • Apprendre à dire non sans culpabilité.
  • Participer à des ateliers d’autodéfense féminine, qui ne se limitent pas à des gestes physiques, mais incluent aussi l’affirmation de soi, la parole, la stratégie.
  • Se procurer des armes d’autodéfense (bombes de gaz, Tasers, pistolets de défense) et apprendre à s’en servir. Chez Nounaa, nous réclamons le droit pour les femmes victimes de violence conjugale de se déplacer avec une arme de défense.

Bien sûr, se défendre, ce n’est pas seulement se battre physiquement. C’est, en amont, résister à l’isolement, affirmer ses droits, reprendre confiance en ses perceptions. C’est parfois savoir quand fuir et comment le faire.

Une démarche de reconstruction et d’autonomie

Apprendre à se protéger, c’est aussi une manière de se reconstruire après les violences. C’est un acte d’autonomie, de dignité, de soin envers soi-même. Beaucoup de femmes qui ont vécu sous emprise ont été coupées de leur instinct, de leur capacité à se faire confiance. Se former à se défendre, c’est aussi retrouver sa voix intérieure, celle qui dit : je mérite d’être en sécurité, je mérite de vivre librement.

Un message aux institutions : la responsabilité reste collective

Il est essentiel de rappeler que cette nécessité d’apprentissage ne doit pas être un prétexte à la déresponsabilisation de la société. La sécurité des femmes ne devrait jamais reposer uniquement sur leurs épaules. L’État, la justice, les forces de l’ordre, le voisinage, la société tout entière ont un rôle majeur à jouer. Mais tant que ces filets de sécurité restent imparfaits, chaque femme doit pouvoir accéder aux outils qui la rendent plus forte, plus lucide, plus apte à agir pour elle-même.

Se protéger, ce n’est pas vivre dans la peur. C’est vivre avec conscience.

C’est refuser d’attendre que les choses changent pour agir. C’est une forme de pouvoir face à un monde qui ne protège pas encore toutes les femmes comme il le devrait.

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