Querer est une mini-série en 4 épisodes disponible sur Arte.tv. Le titre est déjà une invitation à réfléchir sur l’importance du consentement réel, conscient, accompagné de désir et de plaisir réciproque. En espagnol, le verbe « querer » signifie à la fois « vouloir » et « aimer », « désirer ».

Une décision explosive

Au début de la série, Miren, incarnée avec sobriété par Nagore Aranburu, prépare méthodiquement son départ d’un appartement cossu à Bilbao. Après trente ans de mariage, elle fait ses valises, retire son alliance et va porter plainte pour viols et violences conjugales contre son mari, Iñigo  . Ce geste, longuement mûri, marque le point de rupture de toute une vie silencieuse.

Personnellement, je n’adhère cependant pas à la toute première scène, supposée, j’imagine, montrer un exemple de consentement réel, mais qui reproduit un schéma éculé en montrant une jeune femme nue et en exposant l’intimité d’un couple avec un regard qui me semble toujours un peu voyeuriste. On aurait pu s’en passer.

Un huis clos familial explosif

Quatre épisodes serrés composent la minisérie, chacun suivant une étape clé de l’enquête et du drame personnel :

  1. La fuite – Miren quitte le foyer, générant un choc auprès de ses fils : l’un la soutient, l’autre reste loyal à son père .
  2. La confrontation – Le récit ne montre jamais directement les violences, mais les évoque avec force via les silences, gestes et symboles visuels  .
  3. Le procès – L’un des épisodes pivots se déroule en huis clos judiciaire, montrant les rouages d’un système encore fragile face aux violences conjugales, malgré la loi « Sólo sí es sí » en Espagne  .
  4. Les conséquences – Après le verdict, le regard porté sur Miren par son entourage évolue, tout comme la reconstruction fragile de son identité  .

Une performance délicate et poignante

Nagore Aranburu est unanimement saluée pour son jeu à la fois retenu et profondément humain  . Son visage aux « lèvres serrées, [et aux] yeux immobiles » – illustre le mélange de résignation et de dignité de Miren  . Face à elle, Pedro Casablanc incarne un mari autoritaire, persuadé d’être victime.

Démasquer l’emprise invisible

La force de Querer réside dans sa capacité à montrer l’emprise conjugale silencieuse : absence de cris, menaces voilées, chantage émotionnel et isolement économique. La série insiste sur les conséquences d’un viol conjugal méconnu — sans marques visibles mais profondément destructeur. Le personnage du fils aîné, qui reproduit avec sa compagne l’autoritarisme toxique de son père, s’oppose à celui du cadet qui soutient sa mère et finit par confronter calmement son père, sans jamais rompre totalement le lien avec lui. Le jeu des dynamiques familiales est mis en scène avec finesse.

Une série sur l’interprétation, pas la démonstration

Créée par Alauda Ruiz de Azúa, Eduard Solà et Júlia de Paz, la fiction évite les reconstitutions sensationnelles ; elle exige du spectateur qu’il écoute les silences, interprète les non-dits  . La sobriété de la mise en scène — plans fixes, lumière tamisée, bande-son rare — renforce l’impact émotionnel .

Le combat pour la vérité : une voie étroite

Tout au long des quatre épisodes, Miren poursuit un combat exigeant :

  • Reconstruire son existence : trouver un emploi, briser l’isolement, affirmer sa parole.
  • Faire reconnaître le viol marital : elle s’oppose à la vision réductrice d’un viol conjugal — encore difficile à prouver — en confrontant la justice à sa traque du consentement .
  • Défier l’héritage familial : ses deux fils, Ion (Jon) et Aitor, reflètent deux générations : l’un conscient, l’autre dans l’aveuglement. Leur positionnement témoigne de la transmission — ou du rejet — des valeurs familiales.

Une fiction saluée, mais exigeante

Récompensée par le Grand Prix à Séries Mania, la série a également remporté plusieurs Goya et Feroz : meilleure série dramatique, meilleur scénario, meilleure actrice et acteur.

Critiques et journalistes saluent son intelligence narrative, sa capacité à éveiller sur un sujet crucial sans l’imposer. Le spectateur, sans être infantilisé, est invité à penser, ressentir, questionner.

Pourquoi voir Querer ?

  • Pour défaire les tabous autour du viol conjugal, encore trop ignoré.
  • Pour son écriture fine, sans effets, qui mise sur l’écoute et la confiance envers le public.
  • Pour incarner la résilience, montrer comment une femme ordinaire peut briser le silence et reprendre sa vie.
  • Pour le rôle principal, magistralement interprété par Nagore Aranburu.

En résumé

Querer est une fiction exigeante, douce et percutante. Elle met en lumière le parcours complexe de Miren Torres, une femme qui ose nommer l’impensable, confronte une société silencieuse, défie sa propre famille, et se bat pour une vérité longtemps tue.

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